Le système de santé pousserait les médecins vers l’épuisement et la dépression.
Les conditions de travail et la culture professionnelle seraient en grande partie responsables des « hauts niveaux » d’épuisement et des cas de dépression rapportés par les médecins du pays, selon une étude publiée par l’Association médicale canadienne (AMC) en octobre 2019.
Ce sont les résultats alarmants d’une enquête réalisée en 2017 qui ont entraîné l’AMC à tenter de trouver les causes du malaise psychologique rapporté par les médecins canadiens. « Entre le quart et le tiers des médecins rapportaient de hauts niveaux d’épuisement professionnel », explique Caroline Gérin-Lajoie, une psychiatre spécialisée dans le domaine de l’oncologie et la vice-présidente pour la santé et le bien-être des médecins à l’AMC.
Dans son rapport intitulé Santé et bien-être des médecins au Canada : facteurs comportementaux et professionnels prédictifs des issues psychologiques, l’organisation affirme que les actions individuelles ont une portée limitée pour réduire les risques de dépression, de burn-out et d’idées suicidaires.
« [Il y a une dizaine d’années] on tendait à seulement regarder l’individu, on blâmait les médecins, affirme la Dre Gérin-Lajoie. On disait : c’est facile, dormez mieux, faites du yoga, faites plus d’exercice et vous allez pouvoir être plus résilients dans notre système qui est très stressant. »
Ce sont plutôt la culture des milieux de travail des médecins et les ressources qu’on met à leur disposition qui permettent d’éviter la détresse chez les soignants. « Il y a des éléments de notre culture qui sont néfastes à notre santé », lance la psychiatre.
La (mauvaise) conciliation travail-famille en cause
L’étude avance que le manque d’intégration entre la vie professionnelle et personnelle, l’insatisfaction dans la carrière ainsi que le manque de collégialité entre médecins affectent aussi négativement la santé psychologique des médecins.
Autre signe inquiétant : 20 % des médecins ont indiqué souffrir de « présentéisme », c’est-à-dire lorsqu’un médecin se présente au travail alors qu’il n’a pas l’état de santé (mental ou physique) adéquat. « C’est en grande partie dû au système médical, qui ne permet pas facilement aux médecins de prendre du temps pour prendre soin d’eux », précise Caroline Gérin-Lajoie.
Selon la psychiatre, le vieillissement de la population, les changements technologiques dans le milieu du travail et les coupes budgétaires font que le stress des médecins est décuplé. « Le système est extrêmement stressé et poussé au maximum, dit-elle. C’est pour cette raison qu’on voit autant de burn-out. »
« Ce qui motive un médecin, c’est la satisfaction profonde d’aider un patient, et quand on a l’impression qu’on ne peut pas le faire, ça représente un poids psychologique énorme », conclut la docteure.